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Meria et pépins partent en voyage

Bienvenue dans ce journal de bord dédié à mon voyage en Asie du Sud-Est ! Les articles seront donc quotidiens autant que faire se peut. Je vous ferai part de l'essentiel mes expériences et de mes ressentis, aussi bien mes coups de cœur et mes coups de foudre que de mes coups de gueule, mes coups de barre et mes coups de blues. On peut dire que vous ferez une partie du voyage en ma compagnie, mais les yeux fermés car cela sera difficile pour moi de mettre des photos ;-)

Jusqu'au bout / Une dernière journée de 40 heures

J'ai mis le réveil ce matin pour la toute dernière fois de ce voyage. Il est réglé sur 6h30, cela me laisse une demi-heure pour me préparer et descendre à la réception pour 7h. Je vérifie rapidement que je n'ai rien oublié mais, comme à chaque fois, je ne me suis pas étalé de toute manière et mon sac est quasiment prêt depuis hier après-midi déjà. J'aime bien la réceptionniste qui est là ce matin (même si les deux autres que j'ai pu voir sont tout aussi agréable), toujours souriante, serviable et avec un "good morning" plein d'enthousiasme. J'ai bien prévu mon coup puisque j'ai pile assez d'argent pour régler les 4 nuits, mon kilo et demi de linge que je leur ai donné en arrivant et les quelques bouteilles d'eau qu'ils laissaient à disposition des clients (bien pratique).



En quittant la guesthouse, puis la ruelle, puis la rue, puis le centre-ville, je me sens ému en me disant que mon voyage est en train de prendre fin. Je commençais tout juste à m'attacher à ce rythme de vie, à cette culture, à ces odeurs (de pots d'échappement souvent il faut bien le dire) et à ces interactions avec les habitants. Quand on voyage ainsi sur de longues durées et de longues distances, de moins en moins de choses sont susceptibles de stopper notre progression. La barrière de la langue devient au contraire un espace d'échange à part entière, les frontières ne sont plus qu'un simple sas de transition entre deux parties d'un même univers et le monde se rétrécit à vue d'œil pour ne constituer plus que ce qu'il est dès le départ : un grand village où tous ses habitants sont à la fois semblables et si particuliers.



Je me prends un dernier Banh Mi au poulet grillé que je mangerai en attendant le bus tout à l'heure, enfin, c'est ce que je me dis. Car en arrivant à la gare je vois que le bus 17 est déjà là, je presse le pas mais sans grande conviction et le laisse finalement s'en aller juste devant moi. Je prendrai le suivant. Mais les hommes assis sur les bancs semblent deviner ma destination et me disent d'aller de l'autre côté, sur l'autre quai. J'ai du mal à comprendre, l'aéroport se trouvant au Nord et les bus partant de l'autre côté, vers le Sud. Ils ne parlent pas un mot d'anglais mais par les gestes ils comprennent mon interrogation et eux-mêmes, par de grands gestes circulaires, m'expliquent qu'en fait le bus repart dans l'autre sens en faisant le tour plus loin. Bon, de toute façon je ne vois pas pourquoi je ne leur ferai pas confiance.



Il est 8h et je prends donc le bus 17 qui arrive juste après dans l'autre sens, ne me laissant le temps que d'entamer mon sandwich. Je suis notre itinéraire grâce à mon application et m'inquiète que nous ne prenions pas la route la plus directe, bien que je sois partiellement rassuré par celui qui encaisse les tickets et qui acquiesce quand je lui dit "airport". Je commence aussi à me demander à quel point la réceptionniste d'hier voulait me mettre en garde sur la durée du trajet en bus, en me disant de partir suffisamment tôt. Mon avion n'est qu'à 11h mais j'espère qu'on ne met pas 3h pour s'y rendre. Bref, je suis stressé et j'angoisse pour pas grand-chose. Je m'en rends compte et j'essaye de me détendre en m'abreuvant des dernières vues de la banlieue d'Hanoi : ce n'est pas beau en soi et peut-être que pour n'importe qui d'autres ça ne ressemble qu'à un agrégat mêlé du béton des immeubles et de la ferraille des voitures ; pour moi qui ait pu un tant soit peu apprivoiser cet environnement, je discerne de mieux en mieux les nuances et les individualités, chaque scooter ne ressemblant pas au précédent.



A 9h, je suis enfin à l'aéroport. Enfin, je peux finir mon sandwich que je me retenais de dévorer dans le bus, par respect pour la propreté toute exceptionnelle du vieux véhicule. Ensuite, trouver le guichet pour m'enregistrer. Tout ceux de la Jet Star (la compagnie que j'emprunte pour aller à Bangkok) sont fermés. Il y a juste un comptoir d'information ouvert plus loin. La femme m'annonce en fait que je ne suis pas dans le bon aéroport, qu'ici ce ne sont que les vols intérieurs (pardon ?!). Je suis en train de m'imaginer devoir trouver un autre bus qui m'emmènera dans un autre aéroport qui d'après mon téléphone se trouverait de l'autre côté d'Hanoi. Heureusement je me rends vite compte que c'est la femme qui "exagère" car il ne faut pas que j'aille dans un autre aéroport mais juste à l'autre terminal (c'est un tout petit peu différent). Je n'ai qu'à prendre la navette gratuite qui m'y conduit en cinq minutes à peine.



Bien que la file pour s'enregistrer est impressionnante, mon tour arrive assez rapidement et je peux ensuite passer à la douane et à l'immigration avant de patienter devant ma porte d'embarquement. Je parviens à écouler mes deux derniers dollars et 45.000 de mes 47.000 derniers dôngs qui me restaient dans des barres de cacahuètes dans l'espace Duty Free, en espérant qu'ils nous donnent quelque chose d'un peu plus consistant à manger dans l'avion mais sans grand espoir, "low cost" oblige. En patientant de pouvoir embarquer, trois français de mon âge viennent s'asseoir à quelques sièges de moi. L'un d'eux à une guitare qui intéresse fortement un jeune homme d'origine asiatique qui demande s'il peut en jouer, puis un deuxième vient également en jouer et les deux se mettent à chanter une chanson qu'eux seuls connaissent visiblement. Ils se débrouillent bien mais sans plus (on dirait moi qui joue "Zombi", de l'esbroufe quoi), le français finit par leur apprendre quelques accords et comment gratter les cordes.



Le vol se passe plutôt bien malgré qu'une fois de plus je n'ai pas de place pour mes jambes (je ne vois même pas pourquoi je continue de m'en plaindre). Le ciel en-dessous (quelle poésie n'est-ce pas ?) est très nuageux et nous esquivons au moins trois cellules orageuses sur le chemin (ou devrais-je dire "champignon" orageux ?). Avant de pouvoir patienter 6 bonnes heures dans l'aéroport de Bangkok, il me faut une nouvelle fois affronter l'épreuve de l'immigration : 20 postes de douaniers sont alignés pour accueillir le flot ininterrompu des passagers fraîchement atterris. Comme je m'en doutais, la fonctionnaire en bout de fil qui vérifie d'abord que les papiers de déclaration sont bien remplis me demandent l'adresse de mon logement en Thaïlande. Je lui réponds simplement que je suis en transit pour Paris, ce qu'elle marque en gros à la place de l'adresse et qui me vaut un tampon express de la part du douanier qui m'offre ainsi un nouveau mois d'entrée gratuite en Thaïlande sans aucun justificatif (si j'avais su en arrivant la première fois je ne me serai pas compliqué la vie à leur inventer un hôtel).



Il est 14h passée, c'est parti pour 5 heures d'attente avant de pouvoir m'enregistrer puis 2 de plus avant de pouvoir embarquer finalement pour Paris. Première chose : retirer des bahts car je n'ai rien avalé à part mes barres de cacahuètes. Je prends la somme minimale au distributeur qui est de 500 bahts, soit 12,5 euros, avec une taxe par retrait de 200 bahts, soit 5 euros (oui on a vu plus rentable). Les prix à l'aéroport sont moins chers que je le pensais et avec la moitié de ce que j'ai je peux me prendre trois petits sandwichs et une bouteille d'eau. Alors que depuis le Cambodge je n'entends que des "hello", je suis presque surpris d'entendre les vendeuses des boutiques aligner les "Sawat di Khaaaaaa" nasillards si caractéristiques des intonations de la langue thaï. Je traîne dans ce monstrueux aéroport qui draine des milliers de personnes sans discontinuer. Il y a des escalators dans tous les sens et il est d'une modernité qui n'a rien à envier aux aéroports occidentaux.



Je patiente ainsi jusqu'à 19h en observant les gens de toutes nationalités qui se pressent à ce carrefour du monde. Ils ont toutes les couleurs et tous les habits possibles et imaginables (difficile de croire en une quelconque supériorité de l'homme blanc dans ces conditions). D'ailleurs, une fois que j'ai enregistré mon bagage et que je peux passer à nouveau l'étape de l'immigration pour accéder à la porte d'embarquement, je choisis une file au hasard pour faire tamponner mon passeport et me trouve derrière deux femmes voilées tout en noir avec un homme âgé en djellaba. Puis, deux hommes se placent derrière moi et l'un d'eux me tapent sur l'épaule "Oman ? Oman ?". Visiblement il a peur de se tromper de file alors que ça n'a pas d'importance. Mais surtout, après que les trois personnes devant moi acquiescent et le rassurent, je me dis qu'avec ma barbe et ma peau tannée par le soleil (au bout de trois mois en Asie ce n'est guère étonnant) je viens de passer pour un citoyen potentiel du sultanat d'Oman.



Me voici maintenant du côté Duty Free, en attendant qu'ils daignent ouvrir la salle d'attente de la porte d'embarquement. Il me reste 250 bahts à dépenser et même si je sais que cette fois on va nous servir de quoi nous restaurer dans l'avion, j'ai déjà sacrément faim (toujours et encore). Après une visite de toutes les boutiques plus ou moins de luxe qui colonisent tout cet espace en prétendant pratiquer des prix imbattables grâce à l'absence de taxes douanières (qu'ils les affichent alors), je m'installe dans un restaurant aux prix "imbattablement" chers et me fait servir un dernier "Pad Thaï" (retour aux premières amours) qui m'aide à dépenser mes tous derniers bahts ou presque.



Je m'installe ensuite sur la passerelle où d'un côté je domine la zone de l'immigration pour entrer sur le territoire thaïlandais, et de l'autre la porte d'embarquement qui n'est pas encore accessible (bah oui, des fois qu'il n'y ait pas assez de sièges pour tout le monde dans cet espace bâtard). Alors que je rêvasse en essayant de déchiffrer le tableau des départs qui s'affichent en alternance en alphabet latin et thaïlandais, je croise à nouveau le regard d'une autre "backpackeuse" qui semblait elle aussi aller vers Colombo (mon escale, la capitale du Sri Lanka) au moment d'enregistrer les bagages. Elle vient m'adresser la parole et alors que j'aurais parié qu'elle aussi était française (supposant qu'ensuite elle aussi prenait la connexion pour Paris) il s'avère que c'est une américaine, du Colorado, prénommée Allisson, qui a passé 4 mois à effectuer le même périple que moi (Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam) mais peut-être pas dans le même sens, et qui à présent va conclure par trois semaines au Sri Lanka. Déjà que je regrettais de ne pas visiter le Sri Lanka alors que j'y fais escale, comme à l'aller, mais là cette charmante rencontre me fait encore plus regretter de ne pas m'y arrêter... Tout comme Stephanie, l'américaine que j'avais rencontré à Huê, Allisson est une "social worker" et est pro-Bernie Sanders. Lorsque nous pouvons enfin nous poser en salle d'embarquement, nous nous installons machinalement devant une télé qui passe la BBC. Nous y voyons d'ailleurs Trump qui déclenche l'affliction de l'américaine.



Ma place étant située au bout de l'avion, j'embarque d'abord. J'ai pris soin de prendre un siège côté couloir, ça me permet d'étendre les jambes de temps en temps malgré les passages récurrents des hôtesses, des chariots et des passagers se rendant aux toilettes. Je me fais un solitaire sur l'écran tactile en attendant qu'ils distribuent les casque audio, me permettant de regarder le film "The Revenant". Nous avons le droit à un plateau-repas où les portions ne sont pas énormes mais cela ne m'empêche pas de me régaler. Je dois interrompre mon film à 20 minutes de la fin car nous atterrissons bientôt à Colombo. Au Sri Lanka, il est 23h (une heure de moins qu'en Thaïlande). Je retrouve très brièvement Allisson qui fait déjà des allers-retours à l'immigration, devant à chaque fois remplir un nouveau papier. Nous nous souhaitons mutuellement bonne route puis je m'apprête à patienter deux heures avant d'embarquer dans mon dernier avion.



A 1h30, nous redécollons enfin. Je peux regarder la fin de mon western avant qu'ils ne servent un premier plateau-repas tout aussi succulent que celui du vol précédent. La fatigue me gagne à ce moment-là et je m'assoupis deux petites heures (pas facile quand vous êtes assis juste à côté des toilettes). Je reprends mon visionnage en regardant "Star Wars VII", puis "Creed" avec Sylvester Stallone mais c'est tellement nul que je passe à "The secret life of Walter Mitty" avec Ben Stiller et finis avec le film sur Steve Jobs avec Michael Fassbender (je me réjouis d'être né à une époque où on peut passer faire passer rapidement les 12 heures d'un vol en regardant des films). Deux bonnes heures avant d'atterrir j'ai le droit à un bon plateau-petit-déjeuner à la mode sri lankaise : riz au lait, curry d'agneau et confit d'oignon.



Il est 9h "heure française" lorsque nous arrivons à l'aéroport Charles de Gaulle. Il fait 12°C (seulement 20 de moins qu'en Asie). Après avoir récupéré mon bagage, je me mets en quête du bus pour rejoindre la Gare Montparnasse. Juste avant un homme essaye de diriger maladroitement les passagers arrivants vers les taxis (ça me fait sourire car je pense aux rabatteurs asiatiques qui sont beaucoup plus insistants que ça). Le prix du trajet de bus est de 17,50 euros (le dur retour à la réalité). Alors que je suis habitué (c'est un bien grand mot) à faire très facilement le trajet entre l'aéroport d'Orly et la gare, cela semble beaucoup moins évident depuis Charles de Gaulle puisque nous attendons 1h15 dans le froid (pour moi à ce moment-là c'est le pôle Nord) avant que le bus de la ligne 4 ne daigne arriver. Au départ, je suis surpris par la vitesse et l'accélération du chauffeur mais je me rends vite compte que je m'étais tout simplement habitué aux 40 km/h de moyenne des transports asiatiques (après le dépaysement, le "repaysement").



A midi, je suis enfin à Montparnasse. J'ai faim et j'aimerais bien manger quelque chose mais il y a un train pour la Bretagne qui part dans 8 minutes. Je saute dedans avant de me rendre dans le wagon-restaurant acheter de quoi manger (pour plus de la moitié de mon budget quotidien en Asie). Je commence à trier les photos : j'en ai 3000. Mais très rapidement je m'aperçois que j'en supprime une sur trois (ne me rappelant plus pour certaines pourquoi j'avais voulu photographier telle ou telle rue, tel ou tel temple). Il pleut des cordes lorsque j'arrive à Rennes (retour au pays). J'ai à peine le temps de respirer qu'il faut que je saute dans un TER tout neuf, noir et blanc (aux couleurs de la Bretagne !). Je m'installe sur un strapontin et me décale intuitivement pour qu'un homme puisse trouver une place à côté. Viennent ensuite deux ados qui s'assoient en face de nous avec qui nous discuteront et rigolerons à 4 toute une partie du trajet. Alors que j'étais d'ores-et-déjà nostalgique de la facilité avec laquelle je rencontrais des gens en Asie, cette discussion vient me contredire : tout le monde aspire à l'échange, ici comme ailleurs.

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P
Belle fin, bravo! :)
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